#4 Challenge 12 mois/amis/livres : Alice’s Adventures in Wonderland

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Alice’s Adventures in Wonderland de Lewis Caroll (Books of Wonder, 1992)

Faites maintenant place à la dernière chronique du mois de juillet, celle du quatrième livre de mon challenge 12 mois, 12 amis, 12 livres qui n’est autre que Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, que j’ai lu en VO.

Avant de vous donner mon avis sur cette lecture bien particulière, je laisse la parole, comme d’habitude, à la personne qui me l’a recommandée, j’ai nommé Sophie !

« Mon amour pour le livre « Alice au Pays des merveilles » a commencé par le célèbre dessin animé de Walt Disney. C’est par lui que j’ai été pour la première fois confrontée à cette histoire.
Très vite, au-delà du récit loufoque d’Alice, j’y ai vu une petite fille qui refusait de grandir. Le monde des merveilles était le monde des adultes, qui fait rêver tant d’enfants impatients de devenir « des grands ». Mais en y allant, Alice se rend compte que tout le monde y est fou, sous l’emprise d’une reine tyrannique… et finalement Alice s’enfuit de ce monde, comme si elle choisissait de rester un peu plus en enfance.
J’ai donc très vite lu le livre dans lequel j’ai non seulement trouvé jeux de mots et tournures de phrases qui me passionnaient, mais aussi et surtout l’écho de ce que je ressentait étant enfant : l’envie de ne pas grandir, de fuir ce monde des adultes un peu fou, ces « grands » qui ne faisaient que travailler, s’infliger des tonnes de responsabilités et de devoirs… Je me sentais proche d’Alice et j’en ai fait mon héroïne fétiche, sous toutes les formes que j’ai pu trouver, le livre étant placé en première place.
‎ Mais si Alice décide de visiter le pays des merveilles, c’est aussi, dans le contexte de l’époque, pour fuir une éducation victorienne peut être trop stricte et l’enfermant déjà dans tout un tas de conventions, de bonnes manières et de morale. Finalement entre le premier et le second livre « de l’autre côté du miroir » elle apprendra à composer avec les deux, vivant dans le monde des adultes tout en gardant cette étincelle d’enfance, un peu comme si les choses s’inversaient et que finalement le pays des merveilles devenait cette part d’enfance et de rêverie qu’elle cherche à garder. ‎
De même que l’héroïne de l’histoire, la petite Alice que j’étais a bien dû apprendre à composer avec le monde des adultes et s’y fondre… tout en gardant au fond d’elle son âme d’enfant. ‎Après tout, les contes servent aussi à ça : permettre aux enfants de trouver leur place dans une société d’adultes dont ils seront membres à part entière d’ici quelques années. »

Sophie vient déjà de soulever de nombreux points intéressants au sujet de ce livre, auxquels j’adhère particulièrement.
Chroniquer un tel monument de la littérature de jeunesse (qui n’était d’ailleurs pas destiné au public enfantin à l’origine) relève d’un véritable défi. Je me suis demandé comment j’allais bien pouvoir m’y prendre. Loin de moi l’idée de partager ici une analyse qui n’ajouterait rien à ce que l’on peut déjà connaître. Je vous livrerai donc simplement mes honnêtes impressions de lectrice face à cette histoire abracadabrantesque mais qui cache une réflexion pour le moins sensée sur la société de l’époque et, avant tout, sur le lien entre réalité et rêve.

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Il est difficile pour un lecteur étranger à la culture victorienne, à moins d’être véritablement armé pour une telle lecture, de saisir toutes les subtilités, les références, critiques et parodies tapies entre les lignes des aventures d’Alice, dans le caractère et le comportement des protagonistes, mais aussi au sein de la forte intertextualité présente dans le roman. Je ne possède moi-même pas le tiers des clés qui me permettraient de saisir de manière limpide toutes les métaphores du texte.

Cependant, d’aucuns peuvent aisément percevoir dans ce roman une critique de l’éducation des petites filles de l’époque. Alice représente avec brio le modèle de cette enfance soumise aux règles strictes des bonnes manières qui sont présentes au point qu’elle se fasse elle-même juge et instituteur de ses actes. Elle a ceci de touchant et d’agaçant à la fois de toujours se remettre en question et d’observer littéralement ses pensées et son comportement (mais peut-être est-ce là un trait de personnalité décuplé par le rêve ?).

Tout au long du récit interviennent poèmes et comptines qui relèvent d’un savoir scolaire méthodique (voire absurde) et qu’Alice s’efforce tant bien que mal de retenir (le rêve est d’ailleurs là pour les remettre toutes en question). Ainsi plane sur le texte une forte interrogation, si ce n’est une remise en cause, de tout ce qui a trait à l’éducation et l’instruction de l’enfance.

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Mais parlons de ce qui a fait le plus écho à ma sensibilité de lectrice lors de ma réception du texte : le thème du rêve et ses possibles interprétations.

Si l’on part du principe, dès la première page du roman, que nous allons voyager aux côtés d’Alice en plein milieu d’un rêve (le poème présenté en exergue nous en livre l’indice), il est aisé de repérer les modes d’expression d’un inconscient le plus souvent illogique et démesuré.

De fait, les aventures d’Alice dépendent pleinement de l’ordre du merveilleux et de l’onirisme, et ce pour de multiples raisons. La présence d’animaux rares ou fantastiques par exemple, doués de parole qui plus est, l’enchaînement de situations et de causes-conséquences absurdes, des conversations sans queue ni tête… sont autant d’éléments qui plongent le lecteur dans un monde où la raison n’a pas sa place, et où il est délicieux de se laisser emporter, de situations cocasses en aventures insensées.

Et surtout, à aucun moment ne se fait sentir le besoin de la part d’Alice de remettre en cause ce qu’elle est en train de vivre. La seule chose qu’il lui prend d’interroger et de questionner, c’est uniquement elle-même. L’univers dans lequel elle évolue a beau être des plus farfelus et illogiques, elle ressent du début à la fin le sentiment de n’être pas à sa place, d’avoir été changée, transformée en une personne différente, là où ce serait plutôt le pays des merveilles qui repose sur un non-sens étranger à toute réalité.

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Si j’osais m’aventurer dans l’analyse psychologique, je me demanderais si cette crise identitaire à laquelle elle fait face tout au long de son aventure, alliée à un perpétuel changement de taille, ne serait pas le témoignage symbolique d’une forte envie de trouver sa place dans la société, voire même la crainte de ne pas la trouver
Dans une société telle que celle de Lewis Caroll, dirigée par des normes hiérarchiques et sociales, de telles interrogations me sembleraient justifiées. Et l’auteur lui-même est sans doute allé plus loin qu’on ne le suppose dans la remise en cause de ce fonctionnement…

Ce ne sont bien sûr là que supputations de me part, mais j’aime à les croire. Je ne sais d’ailleurs pas s’il existe une étude qui analyserait les figures rencontrées lors du voyage d’Alice au pays des merveilles afin de les assimiler à certaines peurs, préoccupations ou envies de l’héroïne.

On pourrait tout à fait imaginer que chacun des personnages jouant un rôle dans l’aventure d’Alice constitue un lien vers la vie réelle de la fillette, comme c’est souvent le cas dans nos rêves. La Reine de Cœur pourrait être la représentation d’une institutrice menaçante, par exemple, et le Lapin Blanc l’incarnation d’une crainte de manquer à la sacro-sainte règle de la ponctualité…
Je laisse la suite de l’énumération à votre seule imagination.

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Quoi qu’il en soit, cette lecture m’a beaucoup plu notamment grâce à l’humour permis par l’illogisme du récit. J’ai cependant trouvé certains passages un peu longuets, notamment lors des récitations de comptines scolaires, mais ils n’ont nullement entaché mon plaisir de découvrir ce classique de la littérature.

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles m’a laissé la sensation étrange de vivre une rêverie à la manière de celles dont je fais souvent l’expérience (si vous ne le saviez pas encore, je suis du genre à faire des rêves très, trèèès farfelus), mais en étant pleinement éveillée et consciente de ce qui se passait.
Un sentiment pour le moins fort curieux…

Je remercie encore Sophie de m’avoir permis de lire enfin ce texte !

J’espère que cette chronique vous a plu, et comme toujours n’hésitez pas à partager votre avis sur le livre 😉

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Le prochain livre du challenge pour le mois d’août sera… Kafka sur le rivage de Murakami Haruki, recommandé par Maud !
J’ai hâte de découvrir ce roman 🙂
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15 réflexions sur “#4 Challenge 12 mois/amis/livres : Alice’s Adventures in Wonderland

  1. J’aime énormément le conte d’Alice qui est clairement mon préféré et je trouve tes pistes et bouts d’analyses très intéressantes, Alice me semble tellement être une histoire intarissable en étude ! Pour ce qui est des animaux, tout ce que je peux te dire dont je me souviens comme ça, d’un coup, c’est que le Dodo ( par exemple lors de la course avec tous les animaux ) serait une représentation même de Lewis Carroll dont le véritable nom est Charles Dogson, et comme apparemment il était bègue, avec son nom de famille, ça donnait  » Dodo » … C’était une analyse à la fin de l’édition Métamorphose illustrée par Benjamin Lacombe.

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    1. Je suis ravie que mes modestes élucubrations t’aient convaincue 😀
      Et merci pour ce détail que j’ignorais ! Maintenant que j’ai lu le conte original, je vais pouvoir m’intéresser aux adaptations et notamment à celle illustrée par Lacombe (d’autant plus que l’amie qui m’a donné à lire Alice adore cet illustrateur ^^).

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      1. Oh mais de rien ! Oh oui lance toi sur la version illustrée par Benjamin Lacombe, son univers se marie parfaitement avec celui d’Alice, le rendu est splendide !

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