Comme tout le monde, ode à l’individualité et à la tolérance (suivie d’une petite réflexion personnelle sur l’apparence)

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Comme tout le monde, Charlotte Erlih et Marjolaine Leray (Talents Hauts, 2017)

Le rythme d’une publication par semaine semble s’être définitivement installé depuis le mois d’août, avec quelques regrets pour ma part car j’aimerais pouvoir rédiger et publier plus mais, comme vous vous en doutez, rentrée scolaire implique montagne de devoirs qui se profile à l’horizon et stage (enfin) trouvé suppose semaine de travail intense sans autre repos que le week-end…

J’espère donc pouvoir poster deux articles par semaine de temps à autre, mais cela dépendra de toutes les autres obligations de travail.

Si je prends le clavier pour ce nouvel article, c’est afin de vous parler d’un album génial qui a récemment paru au catalogue des éditions Talents Hauts, et qui défend avec force humour, délicatesse et couleurs le non-conformisme. Un beau sujet de réflexion, n’est-ce pas ?

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Sur le sentier forestier, au détour d’une colline, voici venir notre héroïne toute chamarrée, une petite roulotte qui se balade de paysages en paysages, en harmonie avec son environnement, heureuse dans la vie, quoi.

La confrontation ne tarde pas à survenir, et elle se fait en plein milieu d’un « joli bourg fleuri », mais le lecteur n’est pas dupe et voit bien, de toute évidence, que cette masse peu gracieuse de maisons ternes n’augure rien de bon…

Nous voici donc en compagnie de roulottes et de maisons anthropomorphes, aux traits si simples et pourtant tellement vivants qu’on n’en revient pas de tant d’expressivité en quelques coups de crayons.

Marjolaine Leray croque avec inventivité et talent des bouilles attachantes et donne à la roulotte scandaleuse et à la tripotée de maisons outrées des airs cartoonesques qui rappellent les premières créations des studios Disney, notamment les courts métrages des Silly Symphonies dans les années 30.
Je suis restée scotchée devant ces pages avec ravissement, et je pèse mes mots.

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© Charlotte Erlih et Marjolaine Leray (2017)

En parlant de mots, le texte en prose aux allures de poésie de Charlotte Erlih est tout aussi charmant que les illustrations qui l’accompagnent. À l’aide d’un vocabulaire expressif et chatoyant, il arbore des allitérations et répétitions délicieuses qui le rendent d’emblée parfait pour une lecture à voix haute.
C’est un plaisir réel que de prononcer, même de chuchoter, ces mots soigneusement choisis, qui semblent faits pour créer ensemble des phrases à la fois percutantes et délicates.

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© Charlotte Erlih et Marjolaine Leray (2017)


La typographie changeante et dansante rejoint la charte graphique de l’album
qui revêt un aspect « crayonné d’enfant » utilisé de manière très pertinente.
Sur cette page, les lettres s’agrandissent, de peur ou de bruit, à mesure que l’orage gronde et envahit l’espace.

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© Charlotte Erlih et Marjolaine Leray (2017)

De même, les couleurs sont utilisées très intelligemment et servent ici à marquer la différence, et surtout l’explosion des possibilités de l’existence qui se retrouvent opposées à l’uniformité des pensées et des apparences.
Ces couleurs sont notamment mises en scène de manière ludique dans des bulles qui transmettent les affirmations conformistes et bien carrées des maisons, des déclarations non argumentées mais si bien déclamées que l’on n’oserait presque pas arguer contre mais qui sont pourtant le lieu précis d’idées toutes faites qu’il convient de démanteler.

Et notre petite roulotte y parvient avec brio de la manière la plus simple et la plus évidente : en démontrant les avantages qu’elle possède à être ce qu’elle est (et si vous voulez en savoir plus, vous n’avez qu’à lire cet album !).

Comme tout le monde est décidément un album très inventif, qui traite avec intelligence et pertinence des situations engendrées par les idées conformistes et offre une belle note d’espoir à toutes celles et ceux qui revendiquent leur individualité.

Bravo aux deux autrices ! Et merci aux éditions Talents Hauts !

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~~~ réflexion personnelle sur l’apparence… ~~~

J’ai fait partie, pendant quelques années de mon adolescence, d’une communauté bien particulière qui avait tendance à porter des vêtements au style bien éloigné de celui que toutes les vitrines des magasins de mode aimeraient nous voir porter.

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Un petit indice…

Quand je repense à ces jeunes années d’innocence aujourd’hui, j’en viens à envier la personne que j’étais à cette époque-là, qui osait, même seule, sortir en pleines rues de Paris habillée de la sorte, qui craignait bien évidemment un peu les regards et les réflexions méchantes, mais qui gardait à l’esprit cette idée très simple : personne ne peut m’empêcher d’être moi, d’afficher mes affinités, mes choix, et mes envies.

Aujourd’hui, alors que je suis définitivement passée du côté qu’on appelle « le monde des adultes », je me rends compte que je me suis laissée façonner par le dictat du regard conformiste que pose les Autres sur tout un chacun qui ose sortir du lot, et que je n’oserais pas revêtir à nouveau ces robes (que j’ai gardées) pour les porter seule dans la rue. J’insiste sur le mot seule, car l’idée de sécurité procurée par un groupe m’inciterait sans aucun doute à sortir dans la rue avec ces vêtements.

C’en est même au point qu’il m’arrive d’hésiter à porter un vêtement qui oscille entre ce que tout le monde porte et ce que certaines personnes au style affranchi portent avec assurance… Comprenez, un vêtement un peu singulier, qui aurait l’air de sortir d’une autre époque.

Toute cette problématique est intimement liée à une idée qui se construit depuis longtemps, selon laquelle notre apparence extérieure reflète notre apparence intérieure. Elle est à la fois vraie et fausse, à mon sens. Si je m’intéresse au vêtement (et plus généralement à l’apparence, comme la coupe de cheveux par exemple), c’est parce qu’il correspond le plus aisément à cette bataille entre conformisme et individualité qui se fait jour dans notre société.

On peut aussi bien jouer du vêtement pour se construire une apparence éphémère, que l’utiliser pour affirmer son identité. L’essentiel, et il me faut encore travailler là-dessus, c’est d’être en accord avec soi-même et ce que l’on sait du monde qui nous entoure. Accepter le fait qu’il y aura toujours des êtres intolérants, peureux, gênés (…) pour répondre et répliquer à la présence que nous leur imposons involontairement. C’est sans doute aussi une question de confiance en soi… À nous de la tester, éventuellement.

N’hésitez pas à partager votre avis sur l’album et sur les idées conformistes qui régissent notre société, et si vous en avez déjà fait l’expérience 🙂
Je vous dis à très vite (c’est bientôt l’automne, et la bannière du blog changera la semaine prochaine, trop chouette !) ❤


8 réflexions sur “Comme tout le monde, ode à l’individualité et à la tolérance (suivie d’une petite réflexion personnelle sur l’apparence)

  1. Cet album a l’air très beau. Je partage ton avis sur le conformisme. Je n’ai jamais été tellement attirée par la mode, sans pour autant m’habiller de façon de façon extravagante, mais vers 11/12 ans, j’ai subi de l’intimidation parce que je n’étais pas « bien » habillée (entre autres).

    Je me suis moi aussi laissée entraîner dans certains dictats, comme « il ne faut pas sortir sans maquillage », « il faut être habillée comme ceci ». J’essaie de m’affranchir de ces « règles » qui ne me correspondent pas. Je vois certains regards quand je porte mes sweats avec des têtes d’animaux, mais tant pis. L’important, c’est mon confort.

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    1. C’est terrible ces dictats, et même après avoir écrit cet article, j’ai passé mon weekend à me balader dans mon quartier (surtout dans le coin où il y a les beaux magasins un peu bourgeois xD comme par hasard), et je n’ai pas arrêté de regarder la manière dont étaient habillées les jeunes femmes, bien soignées, à la pointe de la mode etc… Et toujours ces pensées difficilement répressibles : « Oh il faudrait que je me trouve une pièce de style, coordonner tel vêtement de la sorte… » X)

      Sortir sans maquillage effectivement, ça m’est difficile. Je trouve des excuses (teint pas assez éclatant, yeux pas assez lumineux) pour sortir au moins avec un peu de mascara xD

      C’est terrible !! Il va falloir une réflexion de longue durée pour sortir de tous ces carcans…

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  2. Encore une super publication de la part de Talents Hauts, j’ai l’impression 🙂 C’est vrai que les graphismes font envie !

    Par ailleurs, je suis entièrement d’accord avec toi sur ta réflexion 🙂 En général, je me fiche pas mal de l’opinion des gens sur mon apparence (en général : sarouel, no bra, poils ^^), mais je sens qui si je ne fait pas gaffe, si je m’habille avec un vêtement dans lequel je ne suis pas totalement à l’aise, cette aisance peut vite disparaître 🙂

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  3. Magnifique chronique ! Bravo et merci.
    Très belle réflexion sur le conformisme, je garde ça en tête… tu as parfaitement raison, on se laisse trop influencer par le regard des autres, et je le fais souvent. Pas tant pour mes vêtements que pour mon physique ou même ma façon de vivre ou de décider ce que je fais ! Merci pour ton témoignage éclairant.

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    1. Ah c’est intéressant que tu mentionnes l’influence des normes sur nos actes, par exemple. Je n’y ai pas tellement pensé mais je suis sûre que si je prenais le temps d’y réfléchir, je trouverais des exemples dans ma vie d’aujourd’hui…
      Merci pour ton commentaire 🙂

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